Exposition Pierrick Naud / 2010

 

 

« LES METAMORPHOSES » DE PIERRICK NAUD

Après le Salon de Dessin de Paris, où « La Galerie Particulière* » organisait un one-man-show autour de ses œuvres, et le Musée des Beaux-Arts de la Roche-sur-Yon, c’est au tour du Centre d’art de Montrelais de recevoir Pierrick Naud. En résidence dans notre commune en octobre et novembre dernier, il a rencontré l’école de Montrelais, les « Amis de Raymond » de la Chapelle-Saint-Sauveur et le collège Cathelineau de Saint-Florent. Les productions ont été dévoilées lors de notre dernière exposition des Ateliers.
Voici comment Pierrick Naud s’imprègne du lieu de résidence : il se promène et photographie. Il rencontre, écoute et photographie. Il lit aussi. Tel une éponge intelligente, il s’imbibe de l’atmosphère, il s’imprègne de motifs, d’histoires de paysages et de visages.
Son thème de base est la place de l’Homme dans la Nature.
L’éponge intelligente du cerveau de Pierrick Naud va donc se mettre au travail. Ici, à Montrelais, le passé minier l’interpelle. Donc du noir et blanc ; du dessin sur papier avec fusain, pastels secs ou gras, encre, vernis, gomme… On a trouvé un sarcophage en creusant la fosse de l’ascenseur du Centre d’Art ? Pierrick Naud reprend l’image en créant les cache-radiateurs au premier étage, peints en noir, qui adoptent la forme de l’extrémité d’un sarcophage semblant s’enfoncer, ou s’extirper des murs. Reprise dans les dessins, cette forme accompagne ses personnages hybrides.
C’est comme un jeu de piste fantasmatique où le visiteur déambulerait dans ses propres songes. Il y a des motifs récurrents, des décompositions de mouvements, des planches anatomiques, des rayons atomiques. Le vert qui apparaît sur les personnages de la salle de l’ascenseur est un vert trans-génique. La silhouette humaine noire, dite anonyme, arbore souvent une mutation (comme un oiseau à la place du bras) quand ce n’est pas carrément la moitié du corps qui est animale. « Les Métamorphoses » est le titre de la série de Montrelais, après « Les disparitions » ou « La Mécanique du reflet ». Noir et blanc, reflet, flou, disparitions, mutations ou trucages. Ces termes pourraient s’appliquer à un travail photographique. Le révélateur de l’œuvre se trouve dans le fluide des mains de l’artiste. Pierrick Naud aime voir apparaître des traces non prévues quand les particules de fusain coulent, ou quand ses doigts caressants étalent voluptueusement cette poudre impalpable. Ces traces charbonneuses (des mines de Montrelais), deviennent mouvement, ou aura, décomposition de geste ou motif. Mouvement des transparents de dessin animé ou de BD ou, plus classiquement, étapes d’une gravure. Ce magma est-il composé d’un oiseau seul, décrit dans toutes ses circonvolutions en mode pause longue ? Ou d’une masse d’oiseaux empêtrés les uns dans les autres et fixée au dixième de seconde ? Il y a un va et vient continuel entre la photo de la banque d’image, ses dessins et ses mises en scène en homme anonyme (vous en verrez un exemple au premier étage où il s’est photographié près du kiosque, où l’artiste devient l’une de ses créatures). A l’instar de la photographie, il aime dire qu’il révèle autant qu’il fait disparaître et ceci grâce à l’arme absolue : la gomme.
On se rappelle tous des consignes de nos enseignants : « lâche ta gomme ! », « arrête de gommer ! », « n’appuies pas fort comme ça tu pourras gommer plus facilement si tu rates. » etc.… etc.… Eh bien la gomme est justement l’outil magique de Pierrick Naud : grâce à elle, il va sculpter une masse noire de fusain et en sortir des plis, des ombres, des veines. La gomme n’efface plus, ne ramène plus au néant, au non fait, la gomme de Pierrick Naud révèle.

Michel Amelin

* La Galerie Particulière

Télécharger l’édition du Centre d’art / exposition Pierrick Naud