Exposition Babin/Roche 2010

 

 

DE L’INFIME AU TRÈS GRAND / MAGALI BABIN ET HERVÉ ROCHE

Magali Babin réunit ses compétences en Beaux-Arts et en kinésiologie, méthode globale pour le soin énergétique, corporel et émotionnel. L’homéopathie défend l’idée qu’une simple molécule diluée peut changer le cours des choses. Magali Babin se sert de ses protocoles, de ses pipettes, de ses capsules inertes, de ses gélules, de ses principes actifs pour produire des œuvres furieusement contemporaines et dans l’air du temps. Ainsi, la petite pièce du rez-de-chaussée conte-t-elle une belle histoire. Après rencontre avec des professionnels, Magali Babin a capturé de la rosée (on dirait du Prévert ou du Saint-Exupéry), des extraits de miel et de vin pour les enfermer dans des capsules qu’elle distribua ensuite à trois périodes de la journée, vêtue successivement d’une robe blanche, paille puis lie de vin (là on dirait le conte « Peau d’Ane »). Récit, photos, carte, protocole, gélules sont réunis dans la pièce, comme autant de preuves de son action poétique. Ainsi l’œuvre n’est pas seulement dans le résultat mais aussi dans la démarche et dans la rencontre avec les autres. Autre exemple d’œuvre conceptuelle « l’ordonnance écrite pour la Loire ». Toujours dans les combles, le superbe lustre de pipettes s’intitule « Cellule. Etre parmi les autres », titre explicite sur la position de l’artiste qui peut se disposer dans cette cloche mouvante pour se protéger mais aussi pour que son regard sur l’extérieur se réfracte comme la lumière sur les particules du verre. « La Petite Robe d’artiste » en fourrure et peau procède de cette même démarche de mettre en évidence l’intériorité qui devient extériorité mais qui protège en même temps que l’on se livre.…

Hervé Roche travaille depuis près de dix-sept ans sur le Paysage. « Paysages Géologiques », puis maintenant « Paysages Urbains » dans la dernière partie du premier étage, où les couleurs vives rappellent le cahot des artificiels néons, le réseau informatique, les masses d’immeubles et les voies rapides… Mais, avant cela, il y a eu le travail sur les prises de vue à partir de cerf-volant, les cartes inventées, ou les réappropriassions étonnantes de plans comme ceux du XIIIème siècle des circuits hydrauliques de plusieurs villes. Les ignorants que nous ne sommes pas, pourraient faire une relation hâtive avec les images de Google Earth qui vulgarisent désormais le point de vue satellitaire. Ce serait ignorer que Hervé Roche était là bien avant, avec son œil d’artiste qui lui a permis de travailler sur cette difficile combinaison casse-gueule de la figuration dans l’abstraction et vice-versa. Il donne quelques éléments figuratifs : arbre, haie, fleuve, montagne, coucher de soleil, maison, pour que l’œil reconstruise un paysage et se meuve dans ses ruptures. Car les mises à l’échelle sont truquées, les plans de dessus inclus dans les plans de coupe, des tracés de cartes veinant des paysages en contre-plongée. Plusieurs regards se conjuguent. On reconnaîtra la terre, la roche, les racines, et même le magma des origines. Hervé Roche vole au-dessus du commun des mortels. C’est l’œil de l’aigle, combiné à celui du satellite et celui des relevés géologiques par carottage. Voilà une étonnante palette, à priori abstraite mais qui ne l’est pas car nous sommes assez latéralisés dans l’espace pour en comprendre les clés.

Hervé Roche tourne autour de la terre, Magali Babin tourne autour de l’homme. Ainsi, pourrions-nous parler de macrocosme et de microcosme. « Dans quel monde vivons-nous ? » Voilà finalement la thématique commune qui réunit les artistes.

Michel Amelin