Exposition Franck Gérard / 2010

 

 

FRANCK GÉRARD : L’ŒIL DU PHOTOGRAPHE

Pour Montrelais, Franck Gérard nous présente une sélection de sa série commencée le 13 juillet 1999 et intitulée « En l’état ». Il faut prendre ce titre dans tous ses sens. Tout d’abord, la photo est saisie dans un Etat, l’Etat français en l’occurrence, et à l’instant T de son état du moment. Sa réussite dépend de l’état du photographe et le résultat est « en l’état » car il n’y a eu ni modification numérique sur les couleurs, ou les personnages, ni recadrage… Franck Gérard, comme il le dit lui-même dans l’un de ses textes «  est issu d’une des premières générations accaparées par l’image ». Télévision, publicité, internet, numérique… Il pense « qu’il est primordial de continuer à produire pour montrer un monde différent de celui décrit dans la plupart des représentations contemporaines »

Mais comment parvient-il à émerger de cette foule de producteurs d’images que sont devenus nos semblables ? Quel est son secret ?

En raison de son prix, la couleur est intervenue relativement tard dans la photographie d’art. A l’aube des années 70, les Américains notamment (Eggleston, Shore), se libèrent du prisme du noir et blanc et remettent la perception du spectateur au même niveau que celui du photographe. Plus que jamais, puisqu’il n’y a plus l’interprétation du noir et blanc comme premier écran, il s’agit pour l’artiste photographe d’être en possession de la grâce du point de vue (voilà le secret) qui va permettre au spectateur d’éprouver immédiatement une émotion.

Son parcours au rez-de-chaussée, Franck Gérard a voulu le démarrer par des sculptures de tours qu’il a fabriquées à partir de deux pierres, la stéatite et l’albâtre, pierres qui se déclinent en plusieurs couleurs et qui furent utilisées pour les petits objets de grandes civilisations antiques comme celles des Egyptiens. Motif 3D pour ces minitours d’une Nouvelle Babylone, posées sur une grande photo noire. Ensuite dans la salle de l’ascenseur, Franck Gérard nous introduit dans un parcours kaléidoscopique de vues urbaines où se mêlent architecture, poésie, regard social, humour constituant autant de flashes pleins de vie, de nos vies.

Au premier étage voici Paysage, limite transversale de la mer, no man’s land capté dans le cadre du projet « Estuaire ». Entrons enfin dans le Territoire, nature domestiquée des alentours du Lac de Vassivière (Massif Central), formé par un barrage et dont les forêts sont des sylvicultures.

Avec, le parcours, dans le grenier entre les gens de Vassivière qui établissent le lien social entre ces vues à l’étage du dessous et nous, autres gens, Franck Gérard utilise, en fond, ce fascinant noir qui absorbe et détoure le modèle comme ces natures mortes et vanités du XVIème siècle qui l’inspirent. Il conclut son expo sur une autre tour, celle de Bretagne, qui disparaît, en vidéo, derrière un rideau de pluie. Voilà un parcours bien bouclé, propre, net, efficace, précis, et ô combien riche sur la place de l’homme.

Concluons sur Le point de vue.

Le point de vue c’est la touche de l’artiste, sa signature, sa personnalité. Et Franck Gérard a un point de vue. Et même, il en a beaucoup. Un point de vue d’enfant, un point de vue d’urbaniste, un point de vue de journaliste, un point de vue d’assistante sociale, un point de vue de poète, un point de vue d’humoriste. Bref, ces multiples facettes font que le point de vue de Franck Gérard est multiple mais unique et n’appartient qu’à lui. C’est ça le talent.

Michel Amelin