Exposition Alain Gauvin / 2010

 

 

ALAIN GAUVIN : LE PRINCIPE DE LA MATRICE

« Les Dames de Badami », nous conte  les voyages d’Alain Gauvin en Inde où il s’est immergé dans la statuaire hindouiste. Et c’est au Centre d’art de Montrelais qu’il montre ses œuvres pour la première fois.

Peintures et factures

Alain Gauvin a été professeur des Beaux-Arts et il en a gardé cette connaissance immense qui le plonge sans arrêt dans le bain jouissif de ce qui a été peint. Il nous parle de la fresque française et espagnole, il nous parle de Poussin, de De Kooning, de Basquiat, de la peinture médiévale. Il nous parle aussi de ses compositions de facture classique. Bref, les cinquante ans de peinture et d’enseignement de notre homme, lui permettent d’avoir un regard étendu sur l’histoire de la Peinture mais aussi de sa peinture.

Mythes et poses

On se retrouve immergé au cœur d’un univers magnifique où des voiles transparents et brodés nous révèlent des corps nus, silhouettés mais précis. L’Orient est là, avec sa beauté et son mystère. Chacun connaît ces bas reliefs de temple où des déesses aux seins rebondis s’accouplent aux dieux. Nous sommes ici dans une geste codée, dont les symboles reposent sur des mythes ancestraux et leurs représentations. Point de pornographie donc mais des poses classiques de déesses de la fécondité, au front marqué par l’œil de Shiva, à la jambe passant devant l’autre pour appuyer le pied, à plat, sur le tronc d’un arbre qu’elles font ployer de leur bras levé pour cueillir l’énorme fruit de son extrémité.

Dévotion et traces

En étudiant ces poses, ces relations de statues dont les canons physiques sont immuables et précis, Alain Gauvin s’approprie un autre regard religieux. Il y a des parallèles à faire entre ces déesses et nos vierges, entre ces arbres et celui d’Adam et Eve. Mais notre peintre est aussi fasciné par la relation physique qu’établit celui qui prie. En Inde, on touche les statues. Au centre d’une pincée de boue colorée, on va imprimer l’empreinte de son doigt. Parfois, on trempe ses doigts avant de peindre quatre traits sur une partie de la statue. C’est pour cette raison que ces marques de dévotion ponctuent toutes les œuvres d’Alain Gauvin et en constituent le fil conducteur et divin.

Femme et fécondité

Par ses jeux de transparence qui mettent au jour les organes (dont le cœur qui confond sa forme avec la feuille de pipal, qui est un figuier), Alain Gauvin réduit au plus simple les corps mis en scène. Nous sommes ici dans une démarche sacrée. Comme les premiers artistes des cavernes traçaient sur les parois des vierges à grosses fesses, Alain Gauvin travaille sur le motif de la matrice, et, par là même, de la fécondité. En exposant quelques œuvres antérieures à ses voyages, en travaillant des photographies, il nous prouve que ces thèmes et ce style sont dans sa continuité artistique. Ce n’est donc pas à un simple voyage « géographique » qu’il nous convie, mais à une réflexion sur nos arts sacrés et la position de la femme en tant qu’origine du monde.

Michel Amelin