Exposition Thierry Froger / 2011

 

THIERRY FROGER : ÉMERGENCE DES FANTÔMES

Il s’intéresse aux phénomènes de projection depuis sa sortie des Beaux-Arts de Nantes. Il joue sur les anciennes et les nouvelles technologies pour approcher l’essence même de la magie de l’image. La disparition du négatif, de la photo argentique ou du film super 8 est au cœur de son inspiration. Voilà pour le matériel. Mais le plus important n’est pas là : c’est le lien psychique qui l’intéresse, celui qui permet à notre cerveau de créer des images mentales.

 

Le challenge de Thierry Froger serait donc d’arriver à matérialiser le souvenir ou le fantasme. De là, sa démarche qui établit des ponts entre image mentale et image matérielle par l’intermédiaire de la projection. Comment rendre matérielle, l’immatérialité de la lumière ? Voilà le grand dessein de notre artiste.

Dans la petite pièce du bas, il a reconstitué une projection de diapositives de l’année 1981 intitulée « Changeons la vie » avec bruit de chariot et mise au point automatique. C’est un reportage de son grand-père photographe sur une ancienne fête de Chalonnes. Mais tout est numérisé sur DVD ! Le faux projecteur de carton est là pour renouer avec la magie qui faisait écarquiller nos yeux d’enfants.

Dans la pièce de l’ascenseur, hommage à Rodolphe Bresdin, le fameux graveur maudit, né en 1822 sur la partie de commune de Montrelais devenue plus tard Le Fresne-sur-Loire. Thierry Froger a peint, sur des plaques de verre, les gravures les plus connues de Rodolphe Bresdin au Blanc de Meudon (la peinture que l’on utilise pour occulter les vitrines). En les éclairant avec la couronne lumineuse du halo projeté par les lampes de poche mises à disposition, le visiteur verra ainsi leur projection sur le mur : le blanc devenant le noir de la gravure. Bel hommage, subtil, négatif et positif, en une réinterprétation intelligente.

Au premier étage, quelques exemples de sa série « Fantômes du Jardin ». Il s’agit là de faire émerger des formes de l’herbe par occultation de la lumière. Autre travail sur la projection de lumière avec « Domaine de Joie » une série de photos de bords de Loire où le soleil, par des caches, a imprimé des silhouettes féminines tirées de grandes œuvres. Projection, sur de la fumée cette fois, pour une série de visages fantomatiques de stars intitulée « Fumée d’Etoiles »  et projection dans la cheminée d’extraits tirés d’une histoire du cinéma de Godard. Enfin, appropriation du célèbre mystère de « L’inconnue de la Seine », une jeune noyée retrouvée en 1900. Son masque mortuaire, en plâtre, au sourire de Joconde, est devenu une icône. Thierry Froger nous offre aujourd’hui « La Visite de l’Inconnue » d’abord par des photos de projections dans la nature puis dans le grenier avec le masque accroché au mur et animé par projection. C’est bien une revenante qui nous parle…

Il renoue avec le courant spirite de la fin du XIXème siècle et du début du XXème. Les photos de fantômes et médiums étaient, à l’époque, grossièrement truquées car c’était aussi des expérimentations photographiques ! Chez Thierry Froger, nous retrouvons cet esprit de la photographie ancienne avec sa relation à la lumière, au feu destructeur, à la fumée révélatrice. Voilà des images qui se dissolvent dans l’éther mais qu’il parvient à capter. De son flux mental il fait une projection. Comme nous tous, il s’interroge sur la survivance de l’âme.

Michel Amelin