Exposition Benoiton/Bonin/Brunet 2011

 



POINT D’INTERROGATIONS

N’ayons pas peur de la notion de concept au cœur de l’art contemporain. La volonté qui anime le Collectif est de définir un espace ouvrant à l’interprétation personnelle. En partant d’objets et de gestes du quotidien, il se propose de partir du figuratif pour aller vers une certaine abstraction qui permet une relecture à partir de son vécu.

François Brunet, au rez-de-chaussée, avec son tableau « Les oreilles, l’écoute » s’est inspiré de photos d’oreilles de psychanalystes connus. Par un système de photo, procédé numérique, vidéo projection, et un système de réserve par gomme liquide, il travaille le motif avant de tout enduire de noir. Ainsi, ce qui apparaît comme le fond n’est-il pas réellement le fond, puisqu’il a été peint en dernier et par-dessus le tout. Concept hautement psychanalytique que l’on retrouve d’ailleurs dans ses œuvres du premier étage présentant des objets de rebut récupérés avant la poubelle. Les voilà exposés, transformés selon le même principe du retrait, devenus icônes pop mais aussi reliquats de souvenirs heureux, nature morte sans doute mais transformés par l’art.

Cécile Benoiton nous propose des vidéos pleines d’humour centrées autour des gestes quotidiens d’une femme : elle. Faut-il y voir une critique féministe des tâches ménagères : vaisselle, cuisine, maquillage, nettoyage ? Oui, sans doute, mais elles dégagent un parfum d’humour où l’on reconnaît aussi l’hommage aux techniques muettes et avant-gardistes du cinéma, qui vont du magicien Méliès aux plans fixes de la Nouvelle Vague. Ses vidéos ne durent que quelques minutes mais ce sont des bijoux. Au premier étage, Cécile Benoiton nous présente aussi quelques dessins plus énigmatiques, presque minimalistes qui laissent la porte ouverte à toutes les interprétations.

Gisèle Bonin adore partir des objets familiers, mais aussi des motifs corporels et les décliner en série. Sortis de leur contexte, ils prennent ainsi une aura plastique. Au rez-de-chaussée sa série de steaks hachés obtenue par un travail compliqué de reproduction et de colorisation devient, au choix, une galerie de cerveaux, un amas de lombrics ou tout autre chose… Au premier étage, elle décline les pliages possibles d’une couverture tandis que trois œuvres à la couleur rouge-rose de carcasses nous proposent un zoom sur des zones de peau où se distinguent les vallonnements de colonne vertébrale, côtes et sternum. Dans les combles, une série de petits ronds nous interroge. Qu’est-ce ? Des petits chevaux en gestation ? Des nuages ? Des yeux à moitié fermés ? Non : ce sont des nombrils. Le motif est basique : tout le monde en possède un et on le porte toujours sur soi, mais attention à ne pas le regarder trop souvent ! Chacun connaît « L’Origine du Monde », le tableau à scandale de Courbet. Désormais, les nombrils de Gisèle Bonin nous font prendre conscience qu’il s’agit là d’un autre orifice primaire mais qu’il faut boucher en nouant le cordon pour nous permettre de vivre.

Une exposition passionnante sur la question du sens du quotidien par le corps, ses actions et ses objets. Ces œuvres ont l’histoire de leur conception et de leurs sources mais c’est  aussi à nous de les enrichir par notre propre vécu.

Michel Amelin