Exposition Philippe Berthommier / 2008

 

 

PHILIPPE BERTHOMMIER : PANÉGYRIQUE DES PALIMPSESTES

Philippe Berthommier est né à Vendôme et est diplômé des Beaux-Arts de Tours. Son travail a été présenté à New-York, Salvador de Bahia, Milan, Montréal, Bruxelles, Istanbul, Pékin, Shangaï… et maintenant Montrelais qui a un peu moins d’habitants mais un très beau centre d’art quand même. Il nous a concocté une ballade ensoleillée sans doute sous des cieux orientaux car il a été exposé cette année au Théâtre Royal de Marrakech.

Nous voilà face à une géographie de lignes où l’on distingue l’onde d’un cours d’eau, l’épaule d’un pêcheur, le dos d’un poisson, un profil, un rocher. Il agence ses surfaces en les délimitant, en les superposant, en les alignant. Mais le signe ne serait rien sans la couleur. Chaude, ocre, rouge, brune, c’est celle des pigments de la terre dont il s’empare, pour les concasser, les pulvériser et les mélanger à des poudres de pierre incluses dans ses tableaux sous des glacis passés et repassés.

L’artiste déclare que son obsession est un souci de circulation entre les espaces multiples. Ces tableaux parlent donc d’une topographie où les champs du ciel, de l’eau, rejoignent ceux du sol en un mélange de mémoires individuelle et collective. Il parle de « palimpseste ». C’est un parchemin manuscrit du Moyen-Age dont la première écriture fut effacé par grattage d’encre pour pouvoir écrire un nouveau texte. Tout ceci par économie, car le parchemin était très cher. Tout l’enjeu étant maintenant de découvrir les traces de l’ancien écrit sous le nouveau. Il y a donc la notion d’historique, de mémoire, de racines mais aussi de secrets. Baudelaire a parlé de « L’immense et compliqué palimpseste de la mémoire ». Ce mot convient donc au travail de Philippe Berthommier qui exploite des souvenirs personnels comme ses parties de pêche avec son grand-père et ses voyages au Maroc ou en Italie (voir les « Suites Florentines » dans la petite pièce du bas) ou son cabinet de dessins.

Ses motifs récurrents peuvent être figuratifs et même hommages à un autre peintre. Comme la femme à l’entrée du premier étage est un hommage à « La Marietta » de Courbet ou à « L’Odalisque » de Manet. Les lignes de sa posture, dite classique, délimitent de nouveaux espaces en se croisant avec celles d’autres surfaces…

Grâce à ses grands et magnifiques formats, Philippe Berthommier nous propulse dans un autre monde, où l’on distingue des lignes de villes, des vues d’avions de médina qui se brouillent sous les ondes de chaleur. Il y a le grouillement du souk, les épices, les fleurs, symbolisés par des virgules rouges. Il y a des lettres qui forment des mots comme les deux pendants « Sandro » et « Isadora » qui renvoient à la danseuse américaine Isadora Duncan qui, dans les années 1900, créa la danse moderne en tissant des liens avec d’autres arts, comme la peinture de Sandro Botticelli.

Mais arrêtons de nous gratter le palimpseste, et promenons-nous entre les toiles debout qui délimitent de nouveaux espaces. À cet instant, il n’y a plus que la jouissance d’une promenade.

Michel Amelin