Exposition Nicolas Fédorenko / 2008

 

 

NICOLAS FÉDORENKO

Professeur aux Beaux-Arts, artiste, concepteur de mobilier urbain, Nicolas Fedorenko travaille dans un ancien garage au Cap-Sizun qu’il a transformé en atelier. Ses petites têtes de soldats au visage évidé, ont été conçues pour être placées pour arroser le passage du tramway de Nantes. Les deux colonnes à personnages tenant une fourche et un accordéon sont des exemples, représentant les petits métiers de Guérande, mis en place autour de la collégiale pour empêcher le stationnement.

Pour le Centre d’art de Montrelais, notre artiste a choisi de nous promener à travers ses thèmes récurrents grâce à des œuvres couvrant ces dernières années.

Plongeons donc dans ses figures qui nous sont familières car synonymes d’innocence puisque ce sont celles de notre enfance. Poupons, lapins, nounours dansent une sarabande colorée. Mais à leur vue, on est saisi par leur étrangeté. Pourquoi ne sont-ils pas tout roses ? La tragédie est palpable. Les poupons, les lapins et les nounours nous montrent une violence destructrice qui en morcelle les éléments. Bras, jambes, têtes, se retrouvent isolés, découpés. Les lapins marchent au pas de l’oie. Ils sont bourrés d’énergie comme les lapins à piles de Duracell. Ils se métamorphosent, s’empreintent des couleurs et des morceaux de corps. Voilà un beau saccage de nos icônes d’innocence. A nous de les voir sous ce nouvel angle inhabituel.

Autre thème : les aveugles. Voir et ne plus voir. Qu’est-ce qu’on voit quand on ne voit plus ? Perdons-nous le sens de la réalité, le sens de l’orientation ? Après l’œil, voici la main, ici grande, comme sculptée, emmêlant ses doigts comme dans l’œuvre rouge du premier étage où elle devient forme sinueuse, forte, érotique. Main qui tend des doigts dans l’œuvre du rez-de-chaussée, montée sur roulettes comme un étonnant berceau.

Cette couleur se retrouve, riche et profonde dans la série des « chemises ». Là, les lapins et les nounours ont laissé place à une symbolique plus forte : celle du corps disparu et de sa seule enveloppe suspendue, comme lavée, avec son mot-slogan qui barre la poitrine : « Guerres », « Mensonges », « Haines », « Massacres ». Le vocabulaire est percutant. Serions-nous dans une expression militante ? Ces chemises seraient-elles comme autant d’affiches pour dire un constat ?

Ouvrez-les yeux, nous dit Nicolas Fedorenko, regardez ces chars, ces avions, ces bébés qui font la ronde autour d’une vénus préhistorique, symbole de la terre nourricière.

On pourrait parler d’un travail pessimiste mais Nicolas Fedorenko le transcende par l’emploi de ses couleurs, par les variantes pleines de vie et de fureur, par les formats grandioses, par les techniques employées qui utilisent la gravure, la gouache, le découpage, le collage, l’encre. A l’exemple de cette magnifique affiche dans l’entrée où la rade de Brest devient arbre de vie donnant naissance à des feuilles-bateaux où l’on peut reconnaître thonier, sardinier, chalutier, bateau de papier, mais aussi joyeuses fêtes du marin bien arrosées.

Ainsi, après la dénonciation, vient le regard sur la figure christique que l’on retrouve parfois. Dieu est là-haut, dans tous les sens du terme : au dernier étage du Centre d’art dans la série des projets de vitraux que Nicolas Fedorenko a élaboré pour une Chapelle bretonne.

La terre, l’eau, le feu et l’air. Les quatre éléments fondateurs, y sont mis en scène enfermés dans des capsules de cristal, devant un arbre de vie,.

Cette exposition est un cheminement spirituel. Tout n’est pas rose dans ce monde, et cela rend l’artiste songeur. Il pense au monde. Il nous en donne sa vision. Qu’il en soit remercié pour le faire avec tant de maestria.

Michel Amelin