Exposition Dominique Bulteau / 2009
LA « MANIÈRE NOIRE » DE DOMINIQUE BULTEAU
Dessinateur, peintre, sculpteur, Dominique Bulteau vit à La Roche-sur-Yon, et a été résident au Lieu Unique de Nantes en 2007. Il est l’auteur de séries nommées « Madones », « Gisants » ou « Cyclistes ». Pour le Centre d’art de Montrelais, il nous présente ces dernières œuvres.
Ce qui frappe chez Dominique Bulteau, c’est la grandeur des compositions et surtout ces personnages que l’on rencontre assez peu maintenant dans l’art contemporain. Chez les autres, la figure humaine est souvent traitée en silhouette, voire en symbole par la présence d’un détail. La voir ici de pied en cap est un heureux retour vers une sorte d’académisme.
Nous avons donc les très grands formats et les plus petits que Dominique Bulteau appelle des « prédelles ». C’est le terme artistique qui désigne généralement les intérieurs de retables religieux, subdivisés en cases et qui racontent, tel un ancêtre de la bande dessinée, la vie du saint mis en vedette sur cet autel. Ainsi, ces plus petits formats, plus colorés, à l’acrylique et à l’encre, sont-ils des déclinaisons de ses grands thèmes. Des historiques, en quelque sorte. Et n’oublions pas non plus le rôle de ses « légendes » manuscrites, incluses dans les œuvres, qui orientent, agrandissent la vision et parfois la remettent en question par l’humour, la dérision, l’incongru.
Si l’artiste utilise la figure, c’est justement pour mieux dynamiter l’académisme. En fondant l’homme dans le minéral, l’animal ou le végétal, en inter croisant les genres fantastiques, naturalistes ou scientifiques, Dominique Bulteau nous fait entrer de plain-pied dans un univers fantasmagorique qui explore nos terreurs enfantines. Et d’une certaine manière, ses stupéfiants coups de crayons qui, eux aussi, se croisent et s’entrecroisent jusqu’à obtenir une profondeur insoupçonnable, une matière perceptible, attestent de l’implication physique de l’artiste. La multiplication d’un simple trait, peut-elle donner un tel noir ? Oui. La multiplication du même rêve peut-elle finir par s’appeler cauchemar ? Oui encore.
Nous pourrions ressortir l’inévitable concept freudien de « l’inquiétante étrangeté » qui veut qu’un univers familier soit corrompu par un détail qui le fait basculer dans le fantastique. C’est justement en pervertissant la vue aseptisée de la carte postale, de la pose académique ou du paysage classique que Dominique Bulteau nous fait pénétrer dans son univers onirique et fascinant.
Fascinant par ces grands formats qui nous attirent comme des gouffres sans fond. Fascinant par ces noirs et ces gris que l’on devine hachés, superposés, couverts et recouverts par les crayons de l’artiste qui, pendant de longues heures, « encre » ses papiers à la manière des graveurs obsessionnels travaillant la « manière noire ».
Merci donc à Dominique Bulteau qui nous montre comment aller au plus profond pour extirper ses peurs de la mort. C’est en osant les recréer qu’on apprend à les dompter. C’est en les mettant en scène, qu’on se joue d’elles.
Michel Amelin