Exposition François Béalu / 2011

 


FRANÇOIS BEALU, LE CORPS DU PAYSAGE ET LE PAYSAGE DU CORPS

Nous sommes heureux d’accueillir François Béalu, venu de ses Côtes d’Armor, par l’intermédiaire de Claude Colas, notre programmateur. Il est de fait que Claude garde toujours à l’esprit que Rodolphe Bresdin, le célèbre graveur, est né sur la commune de Montrelais. François Béalu est l’un de ses plus talentueux héritiers dont les œuvres sont conservées dans de multiples collections publiques. Graveur et dessinateur, amateur de poésie et de fantastique, il connaît et aime le travail de Bresdin. Mais, comme tout artiste, il a su se dégager de cette empreinte pour créer son propre style et ses propres motifs.

Au rez-de-chaussée, vous découvrirez des travaux des années 80 où les rochers bretons sont devenus des magmas intenses où se mélangent la chair, le minéral et le bois. L’aquatinte permet de travailler l’encre, la pointe sèche grave le zinc, François Béalu prouve, dans l’épaisseur du noir et du papier, que cette lave figée n’est pas pour autant synonyme de mort. Comme les habitants de Pompéi moulés par la lave du Vésuve, ces rochers défient la mort et accèdent au rang de statut(e) pour l’éternité. Statue avec un E et statut avec un T. Ainsi, de cette lave, de ces sillons, sont nés ces lignes de paysages, inspirés aussi du Sahara. Voilà un décor qui ramène les choses à l’essentiel. Il épure les perspectives. François Béalu joue sur les aplats, comme les enfants ou les auteurs d’estampes japonaises. Il superpose les horizons et leur donne des titres qui retiennent l’empreinte comme fil conducteur : « Les traces du désert », « Les dernières pas », « L’hypothèse des sables : les derniers signes ».

« J’écrivais le paysage » dit-il à propos de l’œuvre exposée au fond du dernier étage. Pas besoin d’aller revoir « Lawrence d’Arabie », ces signes, ces lignes d’herbes, ces sillons sont bien une écriture du paysage, une partition où l’on retrouve des motifs bien connus pour ceux qui vont se balader sur les bancs de sable de Loire. Mais ils sont épurés en une sorte de calligraphie rupestre.

Du paysage au corps, il n’y a qu’un pas. Il pourrait être symbolisé par une œuvre du premier étage intitulée : « Le jeu de l’herbe », où, au choix, des sillons, des bottes de foins empilées, des gerbes, des troncs, s’orientent vers une ligne d’herbe avec un petit creux que les esprits mal ou bien tournés (toujours au choix) interprèteront comme le fameux triangle féminin. C’est donc au premier étage que se fait cet habile glissement de lignes, de rouge et de bleu, comme le sang qui irrigue nos artères et nos veines. François Béalu nous dit : « Dans tout paysage, il y a la tentation du corps ». Ne sommes-nous pas issus de la terre ? Nous n’arrêtons pas de parler de racines, de tronc commun, d’arbre généalogique, et bien François Béalu glisse des sillons du champ à ceux des côtes et du sternum. Cette géographie intime nous est révélée par les planches anatomiques de certains artistes du XVIIème comme Dagoty qui dessinait de belles femmes soulevant des pans de peau pour nous faire admirer leurs muscles et leurs tendons. Béalu retravaille ses propres gravures et les rehausse de couleurs. Il donne chair et sang par superposition des états.

Enfin, au dernier étage, François Béalu revient au paysage grâce à des travaux qu’il fit pour des livres d’art, notamment « Eloge de la friche » en collaboration avec le philosophe paysagiste, Gilles Clément. Les autres titres de ses livres d’artistes sont éloquents : Sur la marge, Le Gardien des chutes, La Stratégie du Périmètre, L’épuisement de la ligne, Paysage des Limite.

Voilà le voyage auquel nous convie François Béalu ; un cheminement dans les lignes de notre terre et de notre corps.

Michel Amelin

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