Exposition Antoine Dalègre 21 novembre/13 décembre 2015
Il est dans la vocation d’un centre d’art de travailler avec « son » public. Après avoir évoqué la question du « beau », avec les habitants de Montrelais, pendant l’année 2012 (expo présentée par mélanie Lepage à l’automne 2012), le Centre d’art réitère en confiant à son médiateur culturel une nouvelle « mission ».
INTRA/EXTRA
Je compatis à la douleur de l’homme qui pratique un métier redondant. Je compatis face au robot, face à l’abrutissement et à l’aliénation généralisée, qui menace fatalement tout homme pratiquant un job mécanique, machinal. Comment vit-on, quand chaque jour est la répétition invariable de la veille, quand chaque lendemain ressemble au précédent ? Oui, je vois la routine du quotidien s’installer, et principalement à cause du travail.
Parce qu’après tout il faut bien vivre, et l’activité professionnelle est nécessaire de par sa rémunération pour subvenir à nos besoins. Et les gens le font et en sourient, malgré un quotidien plus que répétitif. Et si j’ai l’impression que le plaisir de chaque jour provient du bonheur de renouveler. Je voulais comprendre quels bonheurs, de ces bonheurs qui vous font lever le matin, vous donnent la force de vous servir votre café, permettent de survivre dans le doux enfer d’une routine.
Aujourd’hui encore, il me semble pourtant que la répétition est insupportable. Qu’elle et la monotonie sont les ennemies de l’homme. Différentes rencontres m’ont alors permis le début d’une réflexion.
Depuis maintenant 6 ans je récolte les témoignages de gens qui tous les jours se lèvent et « partent travailler ». Ces gens pour qui chaque jour ressemble au précédent et qui pourtant, souvent, survivent et pour la plupart dans la bonne humeur. J’ai, pour certains, eu la chance de partager une journée de travail avec eux, pour d’autres un café, un entretien téléphonique ou seulement un mail. J’ai rencontré des gens de toute origine sociale, de tout métier, du manoeuvre à l’architecte, de la secrétaire médicale au chirurgien, de l’agriculteur au primeur pour leurs poser les mêmes questions. Je ne cherchais pas une réponse type mais un point de vue personnel propre à chaque individu.
Il est clair que peu trouvent du plaisir dans la mécanicité de leur journée. Pour autant, certains y voient une certaine forme de sécurité. Par contre, tous sont attachés à certains aspects de leur métier, à certaines sensations. Certains y trouvent une solitude apaisante qui n’existe pas ailleurs, d’autres aiment voir dans la répétition, un cycle fermé, une perfection, un système simple qui fonctionne. Tous y rencontrent certaines odeurs, certains bruits, certaines sensations propres à leur boulot et … qu’ils aiment.M’intéresser à tous ces métiers était pour moi un moyen de lutter contre ma propre routine.
J’ai rencontré une centaine de personnes entre 2009 et 2015 à Angers, Aubenas, Bordeaux, Carquefou, Charmalières, Clermont-Ferrant, Egletons, Limoges, Moulin sur Allier, Nantes, Paris, Thouaré sur Loire,Tulle ,Ussel et Montrelais. Les propos ressortis sont la base de mon travail et permettent d’avancer entre mes réflexions propres et les références qu’il a fallu aborder pour comprendre les significations, les enjeux et les différents aspects du travail humain, de la routine et de la répétition (gestes, cycle … ). J’ai réalisé ces entretiens pour mieux comprendre le monde du travail, saisir les motivations de chacun. Cela tient peut-être à la peur ou la curiosité mais j’avais besoin d’être éclairé sur ce monde si confus pour moi, j’ai donc cherché à rencontrer un maximum de personnes. Mon choix pour les métiers n’avait pas une importance considérable, j’avançais dans le flou, à tâtonnements. Il ne me fallait pas un panel sociologiquement représentatif et quantifié exactement, mais davantage un groupe d’individus qui oriente mon regard sur des perspectives qui pouvaient m’être étrangères.
Exposition ouverte du 21 novembre au 13 décembre 2015, les samedis et dimanches de 15h à 18h, ou sur rendez-vous en contactant Antoine Dalègre, médiateur du Centre d’art, au 02 40 98 08 64.
Salles accessibles aux personnes à mobilité réduite