Exposition Jean Desmier / 2012
Jean Desmier « Le Corps du Dessin »
Jean Desmier investit l’espace du Centre d’Art de ses œuvres étonnantes qui nous plongent dans un bain de couleurs. Ne dîtes surtout pas que ce n’est que du noir et blanc. Au contraire ! Jean Desmier travaille dur pour faire reconnaître le noir et blanc comme couleurs. Car, ce ne sont pas le noir et le blanc qui l’intéressent en tant que tels mais leurs variations, leurs profondeurs, bref, leur lumière. Et la lumière comme chacun sait, contient en elle-même toutes les couleurs du monde.
Pour ce faire, il cherche à évacuer l’anecdotique, le motif et surtout la perspective. Débarrassé de ces structures qui limitent la pensée et la réception, Jean Desmier peut jouer sur les variantes, sur les profondeurs, pour appréhender « Le corps du dessin », titre de son exposition.
Il est un moment, dit-il, où il faut abandonner le sujet en tant que tel car il cantonne au sentiment. Il faut aller vers une forme prétexte, qui n’encombre pas l’esprit et va permettre à la main de travailler sur la lumière. Ce qui est important n’est pas ce que l’on représente mais comment on le représente.
Nous sommes donc dans une démarche lente et voluptueuse où la matière du dessin se révèle.
Au rez-de-chaussée, quelques œuvres de la série des « Ports ». Il y a des motifs clé : le phare, le quai, le bateau, la vague ; il y a des mouvements, des femmes et des hommes, des histoires qui s’ébauchent. Il y a des fenêtres qui s’ouvrent sur des intérieurs. Il y a toutes les perspectives. Certains pourraient penser que nous avons la vision globale d’un enfant ou d’un drone. C’est un peu ça. Notre artiste veut retrouver cette fraîcheur des miniaturistes du Moyen-Age qui ne connaissaient pas les règles de la perspective mais qui inventaient sans cesse de nouvelles idées. Ainsi, l’on voit tout, et de tous les côtés.
Au premier étage, voici les déclinaisons de la femme devant sa coiffeuse et celles des fleurs dans leurs vases posés sur un guéridon. Ici, la valeur du motif s’efface pour devenir simple signe, qui permet à l’auteur de travailler la lumière et ses décompositions. D’où les nuances du noir, du gris, du blanc et ces lignes, ces stries, ces griffures qui se chevauchent ou s’écartent. Il les travaille à la main, avec des outils qu’il invente. Il ne met pas de blanc : c’est avec le noir qu’il travaille et il va gratter, chercher, éviter, effacer des zones pour faire émerger ce blanc. Et ce noir qui devient si profond, si dense, est atteint par des couches et des couches qui nous font toucher l’insondable. Ainsi l’artiste, fasciné par les possibilités du dessin, se livre-t-il à un corps à corps avec lui. Concentré et très lent, il cherche la lumière mais aussi son corollaire : l’ombre.
Il supprime la perspective cloisonnante, mais aussi la chronologie des actions. Nous le voyons dans les combles, dans les premières œuvres ouvertement érotiques au Centre d’Art de Montrelais. Là, exposées horizontalement sur des caissons, les scènes érotiques présentent, en vignettes sur les côtés, des épisodes qui peuvent être antérieurs, postérieurs ou simultanés à la scène centrale tout comme le faisaient les miniaturistes du Moyen-Âge avec la Passion du Christ ou les histoires de saints. On retrouve les positions et les visages des estampes japonaises, mais sans les kimonos.
Mais que voit-on parfois par la fenêtre de la chambre. Un port ! Et qu’y a-t-il comme éléments dans la chambre ? Une coiffeuse, un guéridon, des fleurs… On connaît cet univers : on en a vu des petits bouts ou des panoramiques à travers le parcours du Centre d’Art. Ce port et son invitation au voyage, ne serait-il pas aussi le symbole du plaisir de la vie ? Nous voilà dominant ces scènes de lit et de tapis, flottant au-dessus même du plafond.
Nous sommes dans la position de l’extase que vit le couple d’en bas.
Michel Amelin
Exposition ouverte les samedis et dimanches, du 1er septembre au 7 octobre 2012, de 15h à 18h.
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