Exposition Eric Tabuchi du 30 septembre au 25 novembre 2018

 

 

Séquences Combinées

Eric Tabuchi avec la participation de Nelly Monnier

Arpenteur inlassable, Eric Tabuchi photographie le territoire français depuis plus de dix huit ans. Le corpus d’images qu’il élabore témoigne de la diversité de paysages aux contours si familiers que nos regards ne s’y attardent plus : zones péri-urbaines, petites villes, bourgs ordinaires, zones industrielles, lieux de passages. De série en série et au gré de ses déambulations, il crée des typologies de paysages et s’évertue à collecter, classer et montrer les particularismes comme les similitudes de ces espaces « sans qualité ». Héritage croisé de la photographie objective allemande (Bernd et Hilla Becher), des New Topographics (Robert Adams, Lewis Baltz) et de l’art conceptuel américain (Dan Graham, Ed Rusha), l’approche esthétique d’Eric Tabuchi est aisément reconnaissable par la répétition des formes qu’il photographie. Ses compositions sont soigneusement centrées, les cadrages sont toujours frontaux ou de biais et la présence humaine se fait rare. Les ciels sont généralement lourds et couverts. L’artiste évite ainsi de tomber dans l’écueil de la séduction esthétique pour se concentrer sur l’essentiel, le sujet et sa représentation pris dans un ensemble. L’aspect sériel de sa démarche permet effectivement une mise à distance de l’émotionnel pour atteindre une dimension presque sociologique. Derrière ces images d’usines, de discothèques de campagne ou de devantures de boutiques abandonnées, c’est une réflexion sur l’urbanisme contemporain, un regard interrogateur sur l’évolution de nos modes de vie et sur les effets de normalisation qui se dessinent.

Au Centre d’art de Montrelais, Eric Tabuchi, désormais rejoint par l’artiste Nelly Monnier dans sa quête photographique, présente la première occurrence d’un projet initié il y a un an et demi, l’ARN (Atlas des Régions Naturelles). Collecte colossale et ambitieuse, cet atlas visuel sera composé à terme (en 2024) de 25 000 à 30 000 images. Celui-ci se base sur la géographie ancestrale des régions naturelles françaises faisant état de 450 « pays »1 définis par leurs caractéristiques historiques, géographiques, architecturales ou encore linguistiques. Ce recueil répertorie les multiples composantes du patrimoine architectural vernaculaire de France, avec le souci que tout, de l’insignifiant au remarquable, y soit représenté. De l’enseigne publicitaire aux bâtiments de PME en passant par des constructions séculaires, chaque élément trouve ainsi sa place dans l’ARN sans qu’aucune notion de hiérarchie n’intervienne. Au rythme soutenu de 10 images par jour, 150 jours par an, Eric Tabuchi et Nelly Monnier semblables à des Sisyphe des temps modernes réalisent le pari fou de faire un état des lieux visuel de la France du début du XXIe siècle.

Rez-de-chaussée :

Pour l’exposition Séquences Combinées, les artistes présentent plus de 95 photographies issues de l’ARN. Au rez de chaussée, Eric Tabuchi et Nelly Monnier s’attardent sur le pays d’Ancenis et les transformations apparues au fil des décennies dans l’urbanisme local. Ils évoquent également par l’intermédiaire de la fresque réalisée par Nelly Monnier le passé minier oublié de Montrelais. Au XVIIIe, le village ligérien comptait effectivement l’une des premières mines de charbon du pays dont il ne subsiste quasiment aucune trace aujourd’hui à l’exception de quelques cheminées disséminées autour de la commune dont on peut voir un exemple sur le mur opposé. A celles-ci font écho un second ensemble de 6 cheminées géodésiques photographiées dans le Nord-Est de la France. Ces remarquables architectures élancées ont servi de point de repères à l’armée au début du XXIe siècle pour déterminer des points précis sur le territoire et tracer les cartes d’état-major devenues par la suite les carte IGN que nous connaissons tous.
En lien avec ce corpus photographique, des écussons brodés réalisés par Nelly Monnier viennent dialoguer avec les images et leur sujet. Au gré de leurs errances, l’artiste décèle et isole des symboles caractéristiques des territoires visités et leur donne une dimension graphique et parfois abstraites ponctués par quelques évocations poétiques sur leurs origines.

1er étage :

Au 1er étage, c’est encore une autre manière d’appréhender l’ARN qui se décline. Le premier espace propose cette fois aux visiteurs de pénétrer de façon thématique dans le travail d’Eric Tabuchi puisque l’artiste y propose par un jeu de séries allant de 1 à 9 de découvrir une diversité d’éléments tels que des poteaux électriques recouverts de lierre, des silos à grains ou encore des foyers ruraux glanés aux quatre coins de la France. De l’autre côté de la paroi centrale s’étend un all-over composé de 45 photographies. L’installation nommée Abscisse désordonnée propose une déclinaison sérielle basée sur un système de coordonnées entre horizontales et verticales. Les 9 photos de la ligne centrale ont toutes été prises aux alentours du Mans et chaque colonne est une variation thématique basée sur cet ensemble géographique.

Objet tentaculaire et protéiforme, l’ARN se décline également sous la forme de cahiers que l’on retrouve ici présentés pour la première fois. Avec leur entrée géographique, ceux-ci proposent aux visiteurs de parcourir visuellement un « pays » de France aux travers des photographies compilées dans le feuillet. A terme, chaque unité géographique sera composée de 50 images et permettra aux curieux d’arpenter la France dans toute sa diversité.

Vous pouvez suivre l’évolution du projet de l’ARN en vous rendant sur les sites web : www.arn-journal.tumblr.fr et sur www.atlasrn.fr


Guide des pays de France, Frédric Zégierman, Fayard, 1999.